Salaryman & Blow Book / Behind the Scenes.

Salaryman a nécessité 4 ans de travail. C’est tout au long de la genèse de ce projet qu’est également né la plateforme éditoriale Blow Book. Une réflexion globale sur Salaryman a été faite à partir du Dick Bos d’Alfred Mazure. L’article suivant revient un peu plus en détails sur son cheminement, des premières lignes en 2013 au livre imprimé de façon industrielle en 2019.

Début

Au printemps 2013, à la sortie du numéro 08 du magazine de la Crypte Tonique auquel j’avais participé, un drink pour fêter la publication de l’ouvrage était organisé au N° 16 Galerie Bortier. Avec Philippe Capart, j’échangeais sur des perspectives pour un projet ambitieux, l’idée de faire des livres petits formats a assez vite émergée, Blow Book était né, mais pas encore sous cette appellation. Le lendemain de ce drink, je me mis rapidement au travail, sans suspecter le temps considérable et l’énergie que ce projet en devenir allait nécessiter.

Salaryman a pris forme en 2013 en un premier temps dans un carnet de 14X14 cm. Dessin réaliste appliqué au Rotring. J’avais déjà abordé le Ukiyo-E avec Koryu d’Edo, mais ici je n’avais encore rien en tête sur la forme définitive. Mon ambition était de dessiner au format 1/1 de publication.

Ce qui était clair dans Salaryman était que certaines scènes d’actions ne seraient jamais montrées. Comme dans le story-board de la scène de duel où je joue avec la partie centrale du livre. Le sang et les onomatopées seront finalement proscrits.

story-board de la scène de duel – 2013
Extraits du carnet initial qui peuvent être comparés avec l’actuel contenu de Salaryman – 2013
À droite, Alfred Mazure (qui signe le blow book N°1) travaillait avec son ami Maurice van Nieuwenhuizen sur son manuel de self défense. À gauche, je m’inspirais du manuel Kobudo d’Okinawa par Maître Kenyu Chinen 6è dan.

Graphie

Évolution des recherches pour Salaryman 2013-2019

Les images de la charge du Samouraï illustrent bien l’évolution du personnage dans sa graphie. D’abord un samouraï caricatural et viril, laisse peu à peu place au monolithe en costume.

Des choix se sont fait via une « jam session graphique » avec Philippe Capart. Salaryman pourrait faire l’objet d’un second ouvrage pour évoquer le dialogue graphique entre Philippe et moi. Sur 4 ans de réalisation, cet échange riche et foisonnant débouchent sur des centaines de pages de croquis, dont une partie couchée de la main de Philippe qui sont d’une grande spontanéité.

Un exemple de « jam session graphique » de la main de Philippe Capart. 2014-2017

Mon album Koryu d’Edo paru aux Éditions Glénat étant dans mon background, le Ukiyo-E s’y impose à nouveau. Bien qu’au départ je voulais m’en distancier.

On s’est retrouvé à faire le livre comme un film ou un disque : une phase de montage où nous décidions d’enlever les scènes qui semblaient faibles. Le nombre de pages non reprises, seraient équivalentes à deux BLOW BOOK. Une méthode éditoriale qui pourrait sembler antinomique dans le système économique actuel.

L’anachronisme du Salaryman est venu assez naturellement. Le traitement du Ukiyo-E renforce davantage cet anachronisme. Lors de ma collaboration avec le designer Italien Italo Rota sur l’exposition Options Of Luxury, j’ai pu pousser cet anachronisme assez loin. Italo aura participé à mon approche du Ukiyo-E comme elle se présente ici.

Le texte en japonais sous-titré français est issu d’une boutade avec Philippe. Comme souvent dans un projet, certaines boutades finissent par avoir un rôle pivot. Faire une bande dessinée en version originale sous-titrée français.

Iconographie

J’essaie de constituer un nuancier d’icônes qui va devenir l’ADN du récit. Je vais parfois réfléchir à partir de ces images. Je brasse assez large, comme pour le metteur en scène Bob Wilson, les dessins abrégés de Keisai, grande leçon de virtuosité et de simplicité.

Le personnage Salaryman ne parle pas, on ne sait pas ce qu’il pense, s’il est de bonnes intentions. Le parti pris de Moebius de ne pas faire s’exprimer Arzach, m’avait particulièrement marqué. J’ai voulu reproduire ce sentiment à travers Salaryman.

D’autres références comme Stanley Kubrick, l’iconographie de Sergio Léone, Shinya Tsukamoto avec Tetsuo, L’extraordinaire Eiko Ishioka – costumière, graphiste, designeuse, le film The Night of the Hunter – Charles Laughton, l’artiste Jean-Michel Folon, Frank Lloyd – wright graphic designs, …

Keisai
Ci-dessus, dessins abrégés de Keisai

Format

Il n’a pas tout de suite été question de Blow Book. D’abord de Pocket, des livres qui tenaient dans la poche. Comme il n’a pas tout de suite été question de distributeurs. Par contre, nous avions déjà bien en tête Alfred Mazure. Avec Philippe, nous avions fait de nombreuses recherches et réuni plusieurs ouvrages anciens et nouveaux qui serviraient de matrice.

Recherches d’ouvrages anciens et nouveaux aux formats différents qui serviraient de matrice

André Moons de Séraphine Graphics s’est très vite investit dans BlowBook. Son dynamisme a été un carburant essentiel pour nous aider à trouver des pistes. André Moons était arrivé avec un premier blanco martyr « In ze Pocket » comme base de discussion. Sur six ans, sont arrivés de nombreux autres prototypes imprimés de Salaryman (d’abord appelé Jizamuraï) pour enfin déboucher sur la version finale, au centre de la photo, imprimée par Cultura.

entre 2013 et 2019, un aperçu des prototypes imprimés de Salaryman, et de ce qui deviendra Blow Book.
D’autres ouvrages parents aux Blow Book.

En octobre 2016 se déroule l’exposition Ukiyo-E aux Musées Royaux d’art et d’histoire de Bruxelles. Une partie de l’expo dévoile Salaryman, une vitrine est consacrée aux formats. L’équipe du Musée enthousiaste sur le projet Blow Book en devenir. Après plusieurs années a œuvrer sur le projet, ce tremplin me confortait dans cette démarche éditoriale.

Lors de ma participation à l’exposition d’octobre 2016 aux Musées Royaux d’art et d’histoire de Bruxelles,
Blow Book est présenté pour la première fois au public.

Kaguya Behind the Scenes

Les deux dernières années à travailler sur mon « Salaryman », le documentaire The Tale of The Princess Kaguya Behind the Scenes passait en boucle. Ce documentaire aura eu une importance capitale pour m’aider à persévérer dans mon travail quotidien, la compréhension de bien de choses sur le processus créatif et ses impasses. Kaguya est en effet un long naufrage artistique qui aura mis bien du temps à sortir de terre. Isao Takahata a vraiment été l’un des fils conducteurs dans mes recherches

The Tale of The Princess Kaguya Behind the Scenes

C’est enfin lors de la fête de la bande dessinée de Bruxelles en septembre 2017 à Bozar, que le projet prototype avec une première machine fut lancé, aussi une manière de jauger l’approche du public. En deux jours, la totalité des deux ouvrages prototypes « Dick Bos » de Mazure et mon ouvrage « Salaryman » seront écoulés, et l’exercice de se réitérer en janvier 2018 au festival d’Angoulême.

La machine Blow Book était bien sur les rails, il faudra attendre septembre 2019 pour un lancement officiel, avec deux nouveaux titres « Nuit sur l’Allemagne » de Carl Meffert et « au travail » de Manuel pour un total de 12.000 ouvrages d’imprimés.

Le logo de la structure sera réalisé par l’artiste Nidraged.

présentation du projet prototype à la Fête de la bande dessinée de Bruxelles. Septembre 2017
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