Au départ, je voulais réaliser un livre de 200 pages, format italien couleur directe. Peu d’éditeurs seraient assez fous pour prendre ce risque avec un jeune auteur ; un livre sortant dans un format un peu en marge d’une collection bien précise, signée par un parfait inconnu, aurait fait à mon sens, une œuvre vite oubliée dans un coin de librairie. Après tout, un livre doit exister pour d’autres, que pour son créateur. C’est là que la collection carré intervient. Paul Herman, directeur de la collection, a déjà réalisé le tiers de mes souhaits.
4.000 bandes dessinées sont sorties sur le marché durant l’année 2007, Carrément BD des éditions Glénat m’a semblé idéal pour accueillir « Koryu d’Edo ». A l’heure où la surproduction est de mise, il est important pour des jeunes auteurs comme moi de pouvoir se démarquer.
« Carrément BD » sont de beaux livres avec tissu dos toilé et couche de vernis sur le titre pour le mettre en valeur, mariés à une impression d’excellente qualité. Ce format n’est pas qu’un bel objet, c’est aussi une collection singulière ayant peu de sortie annuelle, qui réserve encore beaucoup de potentiel dans son développement. Sa forme est intéressante, et de très bons albums sont à y compter, tels que le triptyque Immondys de Daniel Hulet, Dracula d’Hippolyte, ou encore le Vol d’Icare d’Etienne Schréder.
J’ai sollicité Etienne Schréder afin de comprendre ce qui l’avait motivé de s’orienter vers cette collection.
LE VOL D’ICARE PAR Etienne Schréder
Au début des années 2000, j’ai proposé à Paul Herman un projet en noir et blanc qui venait d’être refusé par Casterman. Il y a mieux comme introduction auprès d’un nouvel éditeur. Il n’a pas fallu longtemps à Paul pour me parler de sa jeune collection « Carrément BD » et m’inviter à la rejoindre, à la double condition de travailler en couleurs et de concevoir un récit spécialement adapté au format carré. Double condition, double défi ; moi qui avais toujours confié mes couleurs à d’autres.
J’ai donc suggéré une histoire dont toutes les cases seraient carrées, sans pour autant sacrifier au « moule à gaufres » cher à Dupuis. La forme a ainsi précédé le fond et l’a déterminé, dans la mesure où une telle mise en page m’évoquait irrésistiblement l’image du labyrinthe, laquelle image était inséparable de Dédale, Dédale lui-même étant associé à son fils Icare.
Voilà ! Jamais encore je n’avais imaginé de scénario lié à ce point à l’objet imprimé. Et je dois bien admettre que ces contraintes librement choisies m’ont entraîné dans un récit tout aussi labyrinthique que l’aménagement des pages.
Pour la petite histoire, le projet refusé par Casterman (et Glénat) est devenu « Amères Saisons » sous une toute autre forme que celle initialement prévue. No comment.
Etienne Schréder